La medina est une ville dans la ville, un peu à part dans Rabat, aujourd'hui encore plus qu'hier. Mais s'il n'y avait qu'une chose à voir à Rabat (quelle idée saugrenue!), alors faudrait-il aller aux Oudaïas. Construite au XIIème siècle par les Almohades, elle s'appelait à l'origine Mehdiya. C'est la kasbah qui a donné son nom à la ville. Le ribat est en effet un couvent fortifié et c'est ici que s'installèrent des moines-soldats qui partaient en guerre sainte en Espagne conter les chrétiens. Le ribat devint le "Ribat El Fath", Ribat de la victoire ... Rabat. Lorsque les Morisques, les Andalous chassés d'Espagne, y débarquèrent au début du XVIIème siècle, elle prit le nom de Kasba Andalouse et devint même une République autonome de corsaires (avec Salé) de 1621 à 1647. C'est en 1833, lorsque la tribu Oudaya chassée de Fès par le sultan Moulay Abderrahman s'y installa, qu'on lui donna définitivement le nom de Kasba des Oudayas (ou Kasbah des Oudaïas). Le "village" des Oudaïas tel qu'on le connait aujourd'hui est assez récent et date de la fin du XIXème début du XXème siècle. La kasbah, en effet, à part le palais n'abritait que quelques maisons cossues de militaires, ainsi que des habitats de fortune. La kasba est à l'origine un ouvrage militaire et aménagée essentiellement pour constituer une forteresse imprenable. C'est au demeurant pour la qualité de sa Kasbah, que Rabat a eu le privilège de devenir une capitale impériale par la grâce du sultan Mohammed Ben Abdellah (1757-1790), qui lassé des révoltes des populations de Fès et Marrakech en fit son ultime refuge. C'est pour préserver son caractère de place forte que médina et kasbah des Oudayas ne furent jamais réunies et conservèrent leurs caractéristiques propres. Lorsqu'on pénétre dans l'enceinte des Oudaïas par l'imposante et magnifique porte Bab-Al-Oudaïas ou Bab El Kébir, on remarque tout de suite l'influence Andalouse. Tout ici rappelle l'Espagne, les murs uniformément recouverts de chaux, la couleur bleue omniprésente, les ruelles pavées, les portes massives aux moulures colorées, le fer forgé ... L'été, les rues étroites sont délicieusement fraîches et toujours propres. Les habitants des Oudayas ont su préserver ce site. Les maisons sont bien entretenues et magnifiquement fleuries. La municipalité de Rabat a compris tout le parti qu'elle pouvait tirer pour le tourisme de ce site exceptionnel et fait en sorte que cette enceinte soit préservée. Ici, contrairement à la médina située quelques centaines de mètres en contrebas, tout est feutré. Les habitants se glissent discrètement dans l'ombre des ruelles. A peine entend-on dans la journée l'appel du muezzin depuis le minaret de la mosquée Jamaa-Al-Atiq, plus vieil édifice religieux de Rabat. Les Oudaïas sont devenus un havre pour les artistes de plus en plus nombreux à investir les lieux, séduits par la beauté du site autant que par sa quiétude apaisante. Si vous êtes à Rabat, n'oubliez pas les Oudayas et en passant par la rue Bazzo pour aller à l'incontournable café Maure, d'où vous aurez une superbe vue sur Salé et le Bouregreg, arrêtez-vous un moment ... pour goûter au silence des lieux.
Le site du Chellah fut sans doute la plus ancienne agglomération humaine à l'embouchure du BouRegreg. Les Phéniciens et les Carthaginois, qui ont fondé plusieurs comptoirs au Maroc, ont probablement habité les bords du Bouregreg. Le Chellah conserve, en revanche, les vestiges d'une ville romaine. Les fouilles ont révélé la présence d'une agglomération d'une certaine importance ; celle de la ville citée sous les noms de Sala, par Ptolémée, et de Sala Colonia, dans l'itinéraire d'Antonin. Les restes du Decumanus Maximus, ou voie principale, ont été dégagés ainsi que ceux d'un forum, d'une fontaine monumentale, d'un arc de triomphe, d'une basilique chrétienne, etc. La voie principale de Sala a été suivie par des sondages exécutés en direction du port antique sur le Bouregreg, port aujourd'hui ensablé. Ainsi, la ville romaine dépassait l'enceinte mérinide en direction du fleuve. Au Moyen Âge, la ville était sous contrôle Idrissides, puis elle est prise par Moussa ibn abi Affia en 929. En 993, les Maghraouides la prennent3. Chellah devient capitale des Ifrenides4, au début du xie siècle4, durant les conflits Ifrenides et Maghraouides de Fès5 au xie siècle, et elle fut une de leurs métropoles jusqu'à l'arrivée des Almoravides. Le Chellah était abandonné depuis 1154, jusqu'à ce que les Mérinides choisissent son site pour y édifier leur nécropole. Comme l'indique l'inscription en écriture coufique, qui surmonte la porte d'entrée, les travaux ont été achevés en 1339, sous le règne d'Abû al-Hasan `Alî. L'occupation du site a été progressive, et les aménagements successifs ont abouti à la réalisation d'une somptueuse nécropole. Protégée par une enceinte importante à laquelle on accède par trois portes (la porte principale dite Porte de Sidi Yahia, la Porte des Jardins et la Porte de la Source du Paradis), la nécropole mérinide contient notamment une salle d'ablutions, une zaouïa avec un oratoire, un minaret paré de zellige et plusieurs salles funéraires, telle celle d'Aboul Hassan dont la stèle, finement décorée, repose sous un auvent à mouqanas. Plus tard, Abû `Inân Fâris, son fils, affecta, pour l'entretenir, les revenus d'un bain mérinide de Rabat, le hammâm Ej-Jdîd. La porte de la nécropole est une porte majestueuse et guerrière. Puissante, elle est flanquée de deux bastions semi-octogonaux avec des encorbellements surmontés de merlons pointus. Cette porte de forteresse ouvre sur une petite oasis, un havre de paix d'une dizaine d'hectares où la tranquillité des lieux est interrompue de temps à autre par le claquement de bec des cigognes. Paysage clos et enchanteur, jardin à l'atmosphère magique où le sanctuaire du fondateur est au creux d'un vallon dans lequel serpente la source d'Aïn Mdafa.
C'est le monument le plus célèbre de Rabat. Le sultan Yacoub El Mansour (XII siècle) projetait de construire la plus grande mosquée du monde musulman, après celle de Samarra en Irak. Malheureusement, les travaux furent abandonnés après sa mort en 1199. La tour devait culminer à plus de 60m, mais n'atteignit que 44m. A l'origine le minaret était bâti pour accueillir jusqu'à 40000 personnes. Son style, est un chef-d'œuvre de l'art marocain traditionnel.
La Médina de Rabat, même si beaucoup moins exceptionnelle que celle de Fès ou de Marrakech, vous imprégnera de son atmosphère traditionnelle et authentique. Ceinturée à l'Est par les murailles Almohades, à l'Ouest par les murs d'enceintes de la Kasbah des Oudaya, au Nord par le Bouregreg et au Sud par le mur des Andalous qui sépare la ville nouvelle de la ville ancienne ; elle est une des rares Médinas à être aussi bien protégées. Créée par les Moriscos, ces Andalous chassés d'Espagne par Philippe III au XVIIème siècle et réfugiés à Rabat, qui ont érigé le "mur des Andalous" (1400 m) afin de protéger le territoire situé à l'intérieur de l'enceinte Almohade, trop vaste et trop difficile à défendre. L'accés à la Médina se fait au moyen de deux portes monumentales, Bab El Alou et Bab El Had situées à l'Est, le long des murailles Almohades du XIIème siècle édifiées par Yacoub El Mansour.
En prolongeant la rue des Consuls par la rue Oukassa, vous vous trouverez dans l'ancien quartier juif du Mellah, à la pointe de la médina, où vivaient autrefois plusieurs milliers de juifs. Ils ont désormais pratiquement tous quitté ce quartier et la plupart sont partis vers Israel, après la fondation de l'Etat Hébreu dans les années 1950. Sur votre gauche en venant des Oudaya, vous pourrez aussi emprunter la rue Sebbaghine ou rue des teinturiers (photos de droite) et par une des plus anciennes portes de la médina, Bab el Bahr, la "porte de la mer", vous donnerez sur l'ancien port de Rabat, mais une avenue qui longe le Bouregreg a remplacé le port. C'est par cette porte que les étrangers venant de l'extérieur, de Fès ou de Marrakech, débarquaient directement depuis le fleuve.
La médina a une superficie d'environ 50 hectares, il est donc facile de s'y repérer et de s'y déplacer sans prendre le risque de s'égarer. Ici, point n'est besoin de guide, et personne ne vous le proposera. Trois rues principales traversent la médina : une rue parallèle au mur des Andalous, la rue Souika qui devient rue du Souk Sebbate, et à ses deux extrémités deux voies perpendiculaires, la rue Sidi Fatah vers le Boulevard El Alou, et la rue des Consuls qui vous emmènera à la casbah des Oudaya. Rabat n'est pas dépourvue de centres commerciaux occidentaux (l'hypermarché Marjane et des supermarchés à l'Agdal). Pourtant, les Rbatis sont encore nombreux à emprunter cet axe commerçant qu'est la rue Souika (petit souk) et Souk Sebbate (souk aux chaussures). Les touristes lui préfèreront la rue des Consuls. Bordée d'échopes de marchands et d'artisans, de kissaria, elle propose des articles nettement moins chers mais tout aussi jolis qu'à Fès ou Marrakech.
Cette rue part du quartier du marché central et arrive jusqu'au boulevard El Alou. Elle n'est commerçante que dans sa première partie où elle accueille magasins de vêtements et kissaria de bijoutiers. Les familles nobles de Rabat y avaient leurs demeures. La rue porte le nom d'un Saint, Sidi Fatah, venu d'Andalousie au XVII ème siècle. Cette rue est celle qui abrite le plus de marabouts et de mosquées, certaines très discrètes qu'on devine à peine. La plus célèbre et sans doute une des plus élégantes de tout le Maroc est la mosquée Moulay Mekki, avec son minaret octogonal, le seul ainsi conçu de tout le Maroc. On pénètre dans cette mosquée par un de ces multiples passages couverts qui constituent la particularité de la médina de Rabat. A proximité immédiate de la mosquée, se trouve le marabout du Saint Sidi Mohamed Ben Thami el Ouazzanile avec son toit en tuiles caractéristique. L'entrée de la mosquée Mekki, ici sur la photo de gauche, est remarquable par le travail de sculpture des boiseries et des peintures multicolores de son auvent et de son plafond. Il faut préciser qu'ici vous êtes dans le quartier des ébénistes et des menuisiers. En remontant vers le boulevard El Alou, vous pourrez admirer quelques unes de leurs oeuvres que les artisans exposent volontiers au public, fiers de pouvoir témoigner de leur art ancestral. La médina de Rabat n'est pas une médina classée. Elle n'est peut-être pas le cœur historique de la ville de Rabat, mais c'est sans nul doute ici que vous y trouverez son âme.
La rue des Consuls a une histoire et c'est ce qui lui donne son charme. Cette rue est ainsi nommée parce que les diplomates étangers étaient tenus d'y résider au XVIIème siècle. A cela une explication simple : à cette époque l'activité principale de Salé le Neuf (Rabat) était la piraterie et la prise d'esclaves. Ces derniers étaient vendus aux enchères sur la place du Souk El Ghezel (devant les Oudaya). Mais les captifs chrétiens ne devenaient pas (en principe) esclaves. Selon un traité signé avec le Sultan, ils devaient être rachetés par les diplomates de leur pays qui disposaient alors d'un budget pour ces rachats. Pour des raisons de commodité, ces diplomates se trouvaient donc à quelques dizaines de mètres du lieu de "négociation". Cette rue déjà très active était une des rares à être pavée. Louis Chénier, le père du poète André Chénier y fût représentant du Roi de France de 1768 à 1781. La négociation des rachats de captifs était sa principale activité et il y excellait même tellement que le Sultan, excédé, le renvoya en France manu militari. A partir de la rue des Consuls, débouche un certain nombre de ruelles abritant de petits ateliers, permettant ainsi à des artisans de maintenir leur savoir-faire et leur art, dans des conditions souvent difficiles. C'est toujours avec la gentillesse caractéristique des Rbatis qu'ils vous recevront et vous feront visiter leur atelier.
Le long du Mur des Andalous (actuelle avenue Hassan II), plusieurs portes ont été percées mais seules deux portes sont dans leur état initial. La plus typique et la plus élégante est Bab Chellah qui vous plonge au coeur de la médina. La médina n'a pa subi de modifications majeures depuis sa création. En faisant de Rabat la capitale du Maroc, Lyautey, comme dans les autres grandes villes du pays, n'a pas souhaité modifier l'aspect de la médina. Il a imposé à Henri Prost, le grand urbaniste du protectorat, de ne pas toucher à ces quartiers. Ce souci de ne pas détériorer le patrimoine architectural et culturel du Maroc était à son honneur, mais il a eu un grave inconvénient. En séparant villes européennes et médinas, on a rejeté à l'extérieur des villes les populations nouvelles venues des zones rurales et qui n'ont pas trouvé de place à l'intérieur des médinas. Les bidonvilles, le mal actuel du Maroc, sont nés pendant le protectorat et sont, malheureusement, une conséquence de cette politique. Quelques modifications ont cependant été apportées à la médina de Rabat, notamment lors de la création à l'emplacement de l'Ousaa, marché local traditionnel, d'un marché couvert à l'occidentale. Une partie du mur Andalou fut détruit à cet effet pour créer une ouverture vers ce marché, depuis l'avenue longeant le mur des Andalous. Le marché central construit au début du XXème siècle subsiste encore et offre une alternative au souk traditionnel.
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